FULL THROTTLE "Les unités MEU"MEU pour Marines Expeditionary Units
- Présentation:Les Marine Expeditionary Units Special Operations Capable (MEUSOC)
Lorsque, en 1983, chaque « service » des forces armées américaines reçut du Secretary of Defense une directive prescrivant la revitalisation de ses capacités spéciales, les généraux de l'United States Marine Corps (USMC) choisirent une solution originale. Ils mirent sur pied sept unités polyvalentes capables de prendre en charge un spectre étendu de missions diversifiées : les MEUSOC
- La gestation Pourquoi les stratèges de l’USMC décidèrent-ils de rester à l'écart de la communauté des forces spéciales ? Pour plusieurs raisons. Tout d'abord, les opérateurs des unités spéciales coûtent cher à former alors qu'il existe a contrario un certain nombre de missions qui ne restent accessibles qu'à des soldats spécialement entraînés sans que ceux-ci aient cependant besoin d'acquérir le niveau d'excellence intrinsèque aux forces spéciales. D'autre part, former une unité spéciale revenait pour le Marine Corps à empiéter sur les plates-bandes du Naval Special Warfare Command (NavSpecWarCom) et donc prendre le risque d'un conflit de compétences dont rien ne dit que l'USMC serait sorti vainqueur. Faisant du reste remarquer que le Detachment One, première unité spéciale du Marine Corps à être placée sous l'ombrelle de l'United States Special Operations Command (USSOCOM), devrait effectivement, en avril 2004, être amalgamé au Naval Special Warfare Squadron One. Le choix effectué en 1983 fut judicieux : on peut observer que certaines caractéristiques propres aux Stryker Brigade Combat Teams de l'armée de Terre américaine (vulgarisation de certaines tactiques spéciales, expérimentation de véhicules novateurs, allégement des unités blindées) ne sont pas sans rappeler, par certains aspects, celles adoptées vingt années plus tôt dans le cadre de la mise sur pied des MEU(SOC).
Plutôt que de créer de toutes pièces des unités spéciales spécifiques, le Marine Corps décida donc de mettre sur pied un programme d'entraînement adapté à ses Marine Expeditionary Units qui commencèrent à être qualifiées Special Operations Capable à partir de 1986.
Il existe actuellement sept MEU :
-Les 22nd,
24th et 26th MEU relèvent de l'US Marine Forces Atlantic (MARFORLANT) et sont basées à Camp Lejeune (Caroline du Nord) ;
-Les 11th, 13th et 15th MEU sont subordonnées à l'US Marine Forces Pacific (MARFORPAC) et sont implantées à Camp Pendleton (Californie) ;
-La 31st MEU dépend également du MARFORPAC mais est basée à Okinawa (Japon).
Quelle différence existe-t-il entre une MEU et une MEU(SOC) ? En fait, les unités ne sont pas en permanence qualifiées Special Operations Capable mais suivent un cycle ternaire : période de repos (permissions, mutations, stages individuels), période de qualification et déploiement opérationnel. La formation est donc désignée MEU pendant les deux premières phases puis déployée en tant que MEU(SOC) après avoir démontré ses capacités lors d'un Special Operations Capable Exercise (SOCEX) couronnant la période de qualification.
Le premier engagement réel ayant concerné des personnels entraînés selon les standards MEU(SOC) a eu lieu lors de l'opération Eastern Exit dont le but était d'évacuer des ressortissants étrangers de la capitale somalienne en 1990. L'une des premières interventions impliquant une MEU(SOC) en tant que telle a été réalisée dans le cadre de Provide Comfort. Durant la phase initiale, les opérations furent en effet prises en compte par la « standing Mediterranean Sea MEU(SOC) », expression désignant l'unité embarquée pour une période de disponibilité opérationnelle quasi-immédiate sur les navires américains croisant en Méditerranée.
-Anatomie d'une innovation L'une des caractéristiques les plus marquantes des MEU(SOC) réside dans l'intégration des moyens aériens : d'un effectif théorique de 2 200 Marines, une unité de ce type comprend en effet un Aviation Combat Element (ACE) aux côtés des Ground Combat Element (GCE, force de combat terrestre), Command Element (CE), Maritime Special Purpose Force (MSPF) et MEU Service Support Group (MSSG).
L'Aviation Combat Element regroupe des hélicoptères de transport légers (4 UH-1N), moyens (12 CH-46E Sea Knight) et lourds (4 CH-53E Super Stallion) ainsi que des hélicoptères d'attaque (4 AH-1W/AH-1Z Super Cobra). Si besoin est, ce détachement aérien peut être renforcé par 6 avions d'attaque au sol AV-8B Harrier à décollage court et atterrissage vertical. Le Ground Combat Element est composé d'un bataillon d'infanterie doté de ses propres appuis : obusiers tractés (8 pièces), blindés de transport de troupe LAV-25 (Light Armored Vehicle doté d'un canon de 25 mm), voire chars de combat M1A1 Abrams si nécessaire.
La Maritime Special Purpose Force (MSPF) est une unité formée par regroupement de moyens issus de l'ensemble de la MEU(SOC) ; elle est chargée de « compléter ou rendre possibles des opérations conventionnelles » ainsi que « d'exécuter des missions spéciales sélectionnées dans un environnement maritime ». Elle englobe généralement un élément Reconnaissance & Surveillance (R&S, acquisition du renseignement tactique par moyens humains - patrouilles profondes - ou techniques), un Force Reconnaissance Direct Action Platoon (DAP, section de forces spéciales chargée des missions d'assaut notamment en cas d'opération de libération d'otages) ainsi qu'un détachement de nageurs de combat SEAL (« Sea, Air, Land »). La couverture de ces unités spéciales est assurée par une ou plusieurs compagnie(s) d'infanterie dont les sections bénéficient d'un entraînement spécialisé dénommé « Security Element Training ». Enfin, les patrouilles profondes de l'élément R&S proviennent des unités « Marine Recon » ; elles sont renforcées d'éléments appartenant aux Sensor Control and Management Platoons (SCAMPs) dont l'une des missions consiste à mettre en œuvre des senseurs sismiques, thermiques, magnétiques ou infrarouges en zone contrôlée par l'ennemi
-Un armement individuel adapté En ce qui concerne l'armement d'infanterie, une MEU(SOC) emporte au total 26 lance-grenades automatiques, 9 postes de tir pour missiles antichars TOW, 24 postes de tir pour missiles antichars Dragon, 20 mitrailleuses de 12,7 mm, 50 fusils-mitrailleurs et 5 postes de tir pour missiles antiaériens Stinger. A ce sujet, faisons remarquer que l'implication croissante du Marine Corps dans le créneau relatif aux opérations spéciales induit une créativité technologique non négligeable. Ainsi, la Rifle Team Equipement shop (RTE) de Quantico (Virginie) a spécifiquement développé un pistolet-automatique dénommé MEU(SOC) Pistol à partir du vénérable Colt M1911A1 ; cette « customisation » est notamment réalisée à l'aide de pièces disponibles dans le civil et ordinairement destinées aux compétiteurs.
Or, le MEU(SOC) Pistol n'est pas un cas unique : même si l'USMC est à l'origine de programmes dispendieux, Advanced Amphibious Assault Vehicle (AAAV) ou MV-22 Osprey par exemple, le pragmatisme est plutôt de mise dans le domaine des armes légères ainsi qu'en témoigne la mise au point du Designated Marksman Rifle M14 (DMR). Celui-ci a été développé à partir d'un vénérable fusil semi-automatique M14 de 7,62 mm encore officiellement en dotation. Sur des canons sélectionnés pour leur précision, les armuriers du Corps ont greffé une crosse réglable en fibres de verre ainsi qu'un bipied ; ils ont en outre usiné l'arme pour permettre le montage d'un viseur optique ou optronique ainsi que d'un réducteur de son. Résultat : pour 600 dollars, les « leathernecks » de la 26th MEU(SOC) ont disposé en Afghanistan d'une arme ayant une portée efficace de 1 000 mètres et d'un emploi intermédiaire entre le M16 d'une part et le fusil de tireur d'élite M40 d'autre part.
-Comment utilise-t-on une MEU(SOC) ? Ayant des capacités allant au-delà de celles intrinsèques aux formations d'infanterie classiques, les MEU(SOC) sont des unités polyvalentes prenant en compte un spectre étendu de missions diversifiées ; elles sont souvent cataloguées dans la catégorie hybride des « forces à capacités spéciales ». Bien que échappant à l'emprise de l’USSOCOM, elles sont en effet susceptibles de prendre en compte toutes les catégories de missions ordinairement dévolues aux unités subordonnées à ce grand commandement interarmées. A une exception près cependant : l'encadrement de maquis autochtones en zone contrôlée par l'ennemi.
Les missions conventionnelles pouvant être confiées à une MEU(SOC) sont les suivantes : reconnaissance offensive, raid amphibie, évacuation de ressortissants civils, démonstration de force, instruction d'unités étrangères, aide humanitaire, déception tactique, combat en zone urbanisée et saisie d'objectifs stratégiques dans la profondeur. Neuf catégories de missions spéciales pouvant être prises en compte par une MEU(SOC) ont été distinguées :
· Combat rapproché (CQB pour Close Quarters Battle),
· Sabotage,
· Reconnaissance/surveillance,
· Interdiction maritime,
· Saisie ou destruction de plates-formes pétrolières (GOPLAT, soit Gas and Oil Platform),
·
Extraction de personnel ou de matériel (TRAP : Tactical Recovery of Aircraft and/or Personnel), ·
Récupération d'aéronefs ou de pilotes abattus en zone ennemie, · Libération d'otages (IHR pour In-Extremis Hostage Rescue),
·
Action directe (destruction, capture ou mise hors de combat d'un objectif ponctuel).-L'entraînement d'une élite La période de qualification Special Operations Capable d'une MEU dure vingt-six semaines ; elle est organisée par un Special Operations Training Group (SOTG). Les vingt-six semaines de formation concernent principalement le combat en terrain accidenté ou en zone urbaine, la manœuvre des petites embarcations, l'utilisation des divers moyens d'insertion et d'extraction (hélicoptères notamment), l'assaut maritime sur plate-forme pétrolière ou sur objectif naval, les exercices à tir réel et l'emploi des explosifs. La période est divisée en trois phases. La première dure dix semaines ; elle est destinée à rafraîchir la maîtrise des techniques individuelles et des tactiques utilisables jusqu'au niveau compagnie. La deuxième période vise à accoutumer les ACE et GCE à mener des opérations conjointes ; simultanément, la difficulté des missions simulées est progressivement augmentée. La dernière période d'entraînement aborde résolument le domaine des missions spéciales et met l'accent sur la rapidité de planification d'une opération. L'exercice SOCEX déjà mentionné dans le cadre de ces lignes s'étend sur deux à trois semaines.
Les stratèges de l'United States Marine Corps sont en perpétuelle recherche de tactiques innovantes susceptibles de conforter les MEU(SOC) dans leur rôle d'unités d'intervention rapide souples et adaptables.
« Souple, félin et manœuvrier »
Cette devise inventée pour qualifier les parachutistes français* caractérise parfaitement les sept MEU(SOC). Et ce n'est pas un hasard si, dans le cadre du conflit irakien, nombre d'observateurs ont souligné l'excellente tenue des unités de l'United States Marine Corps alors que l'US Army a parfois semblé engoncée dans sa lourdeur.
*d'ou mon choix du 29 septembre jour de la Saint Michel fête des Parachutistes